007 – la tactique – partie 1

Où l’on découvre les trois phases d’une partie d’échecs, et où l’on commence par la tactique et les deux figures suivantes : l’attaque double ou « fourchette », et l’attaque à la découverte.

Les trois phases d’une partie d’échecs

Une partie passera généralement par ces trois étapes : l’ouverture, le milieu de partie, la finale ; ces trois phases ne sont pas juste un découpage abstrait mais correspondent bien à des actions de jeu différentes, à des connaissances spécifiques, à des tempéraments distinctes, et il arrivera souvent qu’un joueur soit plus à l’aise dans telle ou telle phase.

L’ouverture ou début de partie

Il s’agit d’une phase très technique qui a été bien travaillée par les générations successives de joueurs. Il s’agit même d’un « champs disciplinaire théorique » qui voit des « écoles » se « crêper le chignon » selon qu’il faille pousser tel ou tel pion à tel ou tel moment.

Du fait du très grand nombre de coups possibles en début de partie, le joueur « sérieux » devra ici « travailler » certaines lignes de jeux en « étudiant » des ouvrages, en pratiquant méthodiquement les ouvertures, sans quoi un « mauvais coup » dans cette phase pourra pénaliser toute la partie.

La stratégie, ou autrement dit les « plans à long terme », est ici le mot clef, et c’est la raison pour laquelle nous n’allons pas travaillé cette phase maintenant car il est impossible de comprendre certains concepts sans avoir déjà eu suffisamment d’expérience en finale ou milieu de partie.

Le milieu de partie

Ici la tactique est reine !

Une fois les plans fixés et les premiers coups de la partie joués, le joueur doit être très attentif et profiter de toute occasion se présentant spontanément sur l’échiquier : la tactique ! On y tend des pièges, on « voit des bons coups », et la partie peut se jouer en un faux pas, en un claquement de doigts.

C’est l’objet de cette leçon et des suivantes.

La finale ou la fin de partie

Au jeu d’échecs, la finale « commence quand la réduction du matériel rend le danger de mat immédiat suffisamment faible pour que les rois sortent de leur retraite et participent au combat. ». Il est difficile de lui fixer des limites précises, et certaines parties ne connaissent pas cette dernière phase, car elles s’interrompent plus tôt (par mat, abandon, ou nulle précoce).

Wikipédia

Vous avez déjà pratiqué des finales dans les leçons précédentes : bataille de pions, mats simples, etc.

Ici chaque coup doit être précis car il sera difficile, voir impossible, de corriger un mauvais coup ; une bonne connaissance des finales est nécessaire mais cette phase est assez facile à travailler.

La tactique

Nous allons donc attaquer le milieu de partie sous l’angle de la tactique, et nous allons nous appuyer dans cette section sur des planches provenant du livre intitulé « LE GUIDE DES ÉCHECS1 ».

Valeur relatives des pièces

En petit préambule il faut d’abord bien comprendre que toutes les pièces ne se valent pas et ainsi une Dame aura bien plus de valeur, en générale, qu’un simple pion ou un cavalier. Il existe grosso-modo 2 tables de valeurs relatives des pièces (i.e. la valeur des pièces les unes par rapport aux autres), et voici la première :

PiècePionCavalierFouTourDame
Valeur13359
Valeurs classiques des pièces

On constate que :

  • l’unité de base est le pion
  • les pièces mineures (i.e. Cavalier et Fou) ont même valeur

On déduit du tableau que :

  • 2 Tours valent plus qu’une Dame
  • 2 pièces mineures valent plus qu’une Tour
  • 3 pièces mineures valent autant qu’une Dame
  • perdre un ou plusieurs Pions a un coût

Il s’agit du tableau de base à mémoriser mais de manière générale la situation présente sur l’échiquier change beaucoup la valeur des pièces (e.g. un Pion à une case de la promotion a une très grande valeur, ou encore une Tour coincée à son emplacement de départ ne vaut pas grand chose), et au fil des parties les joueurs se sont rendus compte que de manière générale les valeurs des pièces sont un peu différentes et lorsqu’il s’est agi de programmer des ordinateurs pour jouer aux échecs le tableau suivant lui est préféré :

PiècePionCavalierFouTourDame
Valeur13,23,335,18,8
Valeurs « informatique » des pièces

On constate alors que :

  • le Fou vaut légèrement plus que le Cavalier car il s’agit d’une pièce ayant un rayon d’action très important
  • 3 pièces mineures valent décidément plus qu’une Dame
  • 2 Tours valent, ici aussi, bien plus qu’une Dame

Cela dit, passons aux choses sérieuses.

Attaque double ou « fourchette »

Il s’agit du moment où une pièce attaque deux pièces adverses en même temps et que l’une des deux pièces sera nécessairement capturée. En voici une illustration simple :

Un fourchette

Ici on constate que le Cavalier attaque à la fois le Roi et la Dame noire. Les noirs vont devoir déplacer leur Roi et la Dame sera alors capturée.

Attention toutefois : il faut que la capture ne fasse pas perdre en matériel ; voici une illustration :

Une « mauvaise » fourchette

Ici il s’agit d’une fourchette mais les blancs seraient mal avisés de donner un cavalier en échange d’un pion !

Exemples d’attaques doubles ou « fourchettes »

Premier exemple

C’est aux blancs de jouer et l’on voit alors que le coup f4 (i.e. Pion va en f4) permet d’attaquer à la fois la Tour en e5 et le cavalier en g5. Les noirs bougerons probablement la Tour (car elle vaut 5 et le Cavalier seulement 3), et perdrons le Cavalier.

Second exemple

lci c’est aux noirs de jouer et c’est cette fois-ci un peu plus délicat à voir (d’où la nécessité de s’entraîner ou d’investir beaucoup d’énergie dans la partie) car il y a un coup préparatoire : f3+, ou dit autrement le Pion avance en f3 et fait échec !

Deux solutions se présentent aux blancs, et si on considère qu’ils prennent le pion avec la Dame (i.e. Dxf3), les noirs répondent alors avec Ch4+, ou autrement dit Cavalier va en h4 et fait échec ! Voilà donc la « fourchette » qui fera tomber la Dame :

Troisième exemple

Prenez le temps de chercher avant de dérouler l’explication ci-dessous, sachez toutefois qu’aucun coup préparatoire n’est nécessaire. Cliquez ici pour dérouler et afficher la solution.

Ici il faut faire Dg4 (i.e. Dame va en g4) : la Dame menace alors de prendre le Fou noir en b4 (il y a bien la Dame noir pour protéger le Fou mais en plus de la Dame blanche, le Fou blanc en c4 attaque la case b4 !), et de faire échec-et-mat en c8 !

Si vous l’aviez deviné alors félicitations, mais je doute que vous soyez en train de lire ces lignes si cela avait été le cas : cet exemple illustre à merveille le fait de profiter des situations qui se présentent spontanément sur l’échiquier, et seul quelqu’un de concentré est capable de trouver « à la volée » ce coup.

Quatrième exemple

Prenez le temps de chercher avant de dérouler l’explication ci-dessous, sachez toutefois qu’un coup préparatoire est nécessaire. Cliquez ici pour dérouler et afficher la solution.

Ici les blancs auraient dû être beaucoup plus prudents car ils ont offert un coup « gratuit » aux noirs grâce à un échec sur la case a5 :

Il n’y a donc plus qu’à en profiter en attirant le fou avec le coup e52 :

Et voici l’attaque double :

Il est à remarquer qu’il est préférable pour les blancs de prendre le pion avec le Fou car ainsi il récupère un pion contre une pièce mineure.

Cinquième exemple et dernier exemple

Prenez le temps de chercher avant de dérouler l’explication ci-dessous, sachez toutefois qu’un coup préparatoire est nécessaire. Cliquez ici pour dérouler et afficher la solution.

Le coup préparatoire est Tb8 !3, et il s’agit d’un piège inévitable :

  • impossible de déplacer la Tour sur une autre colonne car le Fou en e5 se ferait capturé par son homologue
  • impossible de déplacer la Tour sur une autre ligne car le Roi serait alors capturé immédiatement par la Tour blanche

Les noirs vont donc capturer la Tour blanche en b8 et le Fou blanc donnera le coup de grâce : Fxe5 +!4. Voici la position finale :

Résultats des courses : les blancs ont donné une Tour et récupéré une Tour et un Fou. Il sera impossible de s’en remettre.

Conclusion de la première figure tactique

Vous venez donc de voir la première figure tactique classique : l’attaque double ; mais j’imagine que cela vous doit vous paraître très compliqué et même peut-être hors de portée, et vous avez seulement en partie raison car ce n’est pas du tout hors de votre portée.

Il est simplement nécessaire d’aiguiser vos sens échiquéens de la manière suivante :

  • jouez un grand nombre de partie et à chaque fois en investissant de l’énergie
    Il n’est pas possible de produire un « bon jeu », de repérer des bons coups lorsque l’on est fatigué, et ce n’est pas sans raison que les plus forts joueurs d’échecs sont plutôt sveltes : il s’agit d’un sport qui exige beaucoup d’énergie physique et psychique.
  • entraînez-vous !
    Vous trouverez à l’adresse suivante une immense bibliothèque d’exercices rangés par thème : Explorateur de problème.
    Il est difficile en cours de partie de chercher dans chaque position « un bon coup » car cela est très consommateur d’énergie, même si les plus jeunes en sont capables assez rapidement.
    Il est en revanche beaucoup plus simple de chercher le bon coup lorsque l’on vous a dit qu’il y en a un, et encore plus si on vous en a donné la nature : c’est à cela que sert l’Explorateur de problème.
  • évitez au début les parties trop longues
    Lors des premières parties la tentation est grande de faire des parties « longues » de 30 minutes ou plus, mais en règle générale, les débutants s’épuisent et ne parviennent pas à retirer de leur partie la « substantifique moelle » car ils ne se rappellent plus de leur partie, se sont démoralisés car une partie prenant tellement de temps en devient encore plus importante, et ne visualisent pas le ou les points clefs de leurs parties.

Attaque à  la découverte

il s’agit là d’un thème très classique de « coup gratis » : c’est lorsque le déplacement d’une pièce ouvre une ligne d’attaque à une pièce à longue portée telles que la Tour, le Fou ou la Dame. En voici une illustration :

Les noirs ont commis une erreur fatale : placer leur Roi dans la ligne de mire du Fou blanc et il est évident que si les blancs libèrent cette ligne ils auront alors un coup gratuit puisque les noirs seront obligés de protéger leur Roi. Et voici ce que font les blancs :

d4+ !5 un coup qui fait trembler les chaumières et fait tomber la Dame noire.

Premier exemple

Prenez le temps de chercher avant de dérouler l’explication ci-dessous. Cliquez ici pour dérouler et afficher la solution.

Le Fou blanc est braqué sur la Tour adversaire et il est évident que si la ligne devait s’ouvrir les noirs devraient sauver leur Tour. Cela donne donc un coup gratuit au blanc : ils pourront faire ce qu’ils veulent avec leur Tour en b3.

Ici les blancs feront :

Et le cavalier tombe au champs d’honneur.

Second exemple

Cette fois-ci c’est un peu plus facile ; prenez le temps de chercher et cliquez ici pour dérouler et afficher la solution.

Les noirs ont aligné leur Roi avec le Tour blanche ! Il suffit donc aux blancs de retirer leur Cavalier en faisant : Cd3!. La pauvre Dame tombe et avec elle les espoirs des noirs.

Troisième et dernier exemple

Cette fois-ci c’est un petit plus difficile, donc n’hésitez pas à jeter un œil à la solution en cliquant ici.

Le bon coup des blancs est le suivant :

Dd5+! est un très bon coup mais il faut voir que les noirs seront obligés de prendre avec leur Fou la Dame blanche en d5 (i.e. Fxd5) sans quoi le mat arriverait très vite. Suite à ce coup, les blancs reprennent le Fou noir et disent échec (i.e. Fxd5+!) faisant ensuite tomber la Dame :

Finalement, en échange de leur Dame les noirs n’auront eu qu’un Fou (i.e. 3 contre 9).

Conclusion

Si l’attaque double peut être assez difficile à voir parfois, en revanche se prémunir de l’attaque à la découverte est assez facile : ne placez pas vos pièces de valeurs en face de pièces dangereuses.

Toujours est-il que rien ne remplace l’exercice, et je vous invite donc à utiliser l’Explorateur de problème afin de commencer à aiguiser vos sens. Vous pourrez y travailler avec profit les thèmes suivants :

  • l’attaque à la découverte
  • le mat en 1 coup

  1. Il s’agit de l’ancienne édition, de 1993 chez Robert Laffont, de Nicolas Giffard et Alain Biénabe ; une nouvelle édition est disponible, par exemple à Orléans : La Librairie Nouvelle d’Orléans ↩︎
  2. Lorsque l’on décrit le mouvement d’un pion on ne précise pas la pièce avec une lettre, et lorsqu’il n’y a pas d’ambiguïté on indique simplement la case d’arrivée. ↩︎
  3. Le point d’exclamation indique qu’il s’agit d’un très bon coup. ↩︎
  4. Le Fou prend la pièce en e5, et donne un échec, ce qui est un bon coup. ↩︎
  5. Un pion va en d4 et fait échec, ce qui est un bon coup. ↩︎